victimes attentat

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(Mardi 21 janvier 2003)

DEBATS ET OPINIONS; EDITORIAL

Bon sens et diplomatie

Yves THREARD

Si le bon sens existe, est-il compatible avec la diplomatie ? Le bon sens exigerait que, le jour où s'ouvre à l'ONU une réunion du Conseil de sécurité consacrée à la lutte contre le terrorisme, la commission des droits de l'homme des Nations unies ne porte pas la Libye à sa présidence. Ce pays est notamment accusé d'avoir commandité l'attentat perpétré en 1988 contre le vol de la PanAm au-dessus de Lockerbie. Comment expliquer que la France, pourtant fer de lance du combat contre le terrorisme international, n'ait pas voté contre le représentant du colonel Kadhafi ? Elle s'est abstenue, comme d'autres Européens. Les Etats-Unis vitupèrent. Ils ne sont pas plus logiques pour autant.

Le bon sens voudrait qu'ils réservent à la Corée du Nord le même sort qu'ils promettent à l'Irak. Le bon sens commanderait la divulgation de preuves irréfragables de la culpabilité d'un Etat présumé voyou avant de lui déclarer la guerre et d'engager le monde vers un horizon incertain. Le bon sens... Le bon sens est-il condamné à se taire ?
Le fait que Paris se démarque chaque jour davantage de Washington apparaît toutefois comme une attitude opportune et pragmatique.

En organisant, hier, une réunion contre le terrorisme, la France, qui dirige le Conseil de sécurité de l'ONU ce mois-ci, a voulu rappeler que l'ennemi numéro un n'est pas Saddam Hussein mais la terreur planétaire entretenue par les islamistes. Un danger permanent contre lequel les démocraties sont mal armées.
L'Amérique l'aurait-elle oublié ? Après la tragédie du 11 septembre, elle a multiplié les arrestations et les alertes. Depuis, silence radio comme si seul Bagdad retenait son attention. Est-ce logique ? C'est en Europe que les coups de filet les plus spectaculaires ont été menés. Le dernier en date, dans une mosquée londonienne, marque d'ailleurs un tournant dans la politique britannique. L'Angleterre est longtemps restée une base de repli pour les activistes islamistes.
C'est aussi à l'intérieur du Vieux Continent que se concrétise un début de coopération entre les polices. C'est peu de dire que les services américains semblent moins ouverts à une collaboration.

Mais le rendez-vous d'hier avait un autre enjeu. Une semaine avant la remise du rapport sur l'Irak des inspecteurs en désarmement, il était l'occasion pour la France de faire entendre sa voix. Celle des règles internationales, en condamnant une éventuelle attaque des Etats-Unis sur Bagdad, sans preuves et sans vote préalable d'une nouvelle résolution à l'ONU. Mission impossible ? Ce qui est sûr, c'est qu'une guerre ne pourra que faire augmenter la menace terroriste. Pas le contraire, sauf à démontrer l'omnipotence de Saddam. Le bon sens paraît logé de ce côté-ci de l'Atlantique.

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