victimes attentat

(Lundi 18 août 2003 21h28)

Lockerbie: le projet de résolution britannique menacé d'un veto français

NEW YORK (Nations unies) (AFP) - La Grande-Bretagne doit déposer lundi en fin de journée devant le Conseil de sécurité des Nations unies un projet de résolution levant les sanctions imposées à la Libye après l'attentat de Lockerbie, auquel la France menace de mettre son veto.Le chef de la diplomatie libyenne Abdel Rahman Chalgham a affirmé lundi que son pays avait acheté la levée des sanctions en compensant les victimes de Lockerbie et qualifié "d'inacceptable" la position de la France dans cette affaire.

"Du point de vue libyen, il ne s'agit pas de compensations mais d'un achat de la levée des sanctions", a déclaré M. Chalgham dans une interview diffusée par la chaîne satellitaire qatariote Al-Jazira.

"A cause des sanctions internationales et américaines, nous perdons chaque année des milliards de dollars et c'est faire preuve de sagesse et de courage et servir notre intérêt national que de payer la somme de 2,7 milliards de dollars et de refermer ce dossier", a-t-il affirmé.

Le texte britannique, selon des sources diplomatiques concordantes, sera déposé à l'issue de consultations huis clos du Conseil consacrées à la situation en république démocratique du Congo.
Le vote ne devrait cependant pas intervenir avant mercredi au plus tôt et vendredi au plus tard.

La France a fait savoir qu'elle s'opposerait à la levée définitive des sanctions de l'Onu tant que les familles des victimes d'un attentat libyen contre un appareil français n'auront pas obtenu des compensations d'un montant comparable à celles prévues pour Lockerbie.

Aux termes de l'accord intervenu lundi dernier à Londres entre la Grande Bretagne et les Etats-Unis d'une part et la Libye d'autre part, Tripoli devra verser un total de 2,7 milliards de dollars aux familles des 270 victimes de l'explosion du Boeing 747 de la Pan Am le 21 décembre 1988 au dessus de Lockerbie (Ecosse).

Pour sa part la justice française a condamné la Libye pour un attentat contre un DC-10 d'UTA, qui a fait 170 morts le 19 septembre 1989 au-dessus du Sahara, à verser 35 millions de dollars.

Des entretiens sont en cours, selon des sources officielles françaises, entre les représentants des familles des victimes de l'attentat contre UTA et les autorités libyennes.

Le ministre français des Affaires étrangères Dominique de Villepin a personnellement communiqué à son homologue libyen, Abdel Ramane Chalgham, l'importance qu'il y attachait.

Le versement d'indemnités "équitables" "constitue pour la France une condition indispensable à la levée définitive des sanctions contre la Libye que la France appelle de ses voeux", a déclaré jeudi dernier le porte-parole du ministère français, ce qui a valu à Paris d'être accusé de "chantage" par Tripoli.

Le projet de résolution levant les sanctions de l'Onu "est très simple et direct, il ne laisse pas de place pour discuter du vocabulaire", a indiqué lundi au siège de l'Onu à l'AFP un diplomate s'exprimant sous le couvert de l'anonymat.

Ce texte britannique, dont l'AFP a obtenu une copie, est en effet très court.

Son premier paragraphe "décide la levée avec effet immédiat" des sanctions prises contre la Libye en 1992 (et suspendues en 1999). Le second dissout la commission mise en place pour surveiller leur mise en oeuvre et le troisième supprime officiellement le sujet de l'agenda du Conseil.

La levée des sanctions ne fait cependant pas l'unanimité, ni au sein des familles des victimes, ni parmi les opposants au régime libyen, qui estiment que le colonel Mouammar Kadhafi ne mérite pas d'être récompensé.

Les positions des 15 membres du Conseil de sécurité sont également nuancées et, selon plusieurs diplomates, même sans veto français, l'adoption du projet britannique ne peut pas être considérée comme acquise.

Exemple de cette ambiguïté, les Etats-Unis, pourtant parties prenantes à l'accord sur Lockerbie, ont indiqué "ne pas s'opposer à la levée des sanctions" mais se refusaient encore lundi à indiquer s'ils voteraient pour ou s'abstiendraient lorsque le projet sera mis aux voix.

Pour être adopté par le Conseil de sécurité, un projet de résolution doit réunir au moins neuf voix parmi les quinze pays membres du Conseil de sécurité et aucun des cinq membres permanents (Chine, Etats-Unis, France, Grande-Bretagne et Russie) ne doit y opposer son veto.

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