victimes attentat

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(Vendredi 5 décembre 2003)

Flottements à Paris après le revirement libyen sur les ADM

LE MONDE | 22.12.03 | 13h22

Contredisant Michèle Alliot-Marie, Dominique de Villepin affirme que la France n'était pas informée des tractations entre Washington, Londres et Tripoli qui ont mené le colonel Kadhafi à renoncer aux armes de destruction massive.

Le renoncement par la Libye à son programme d'armes de destruction massive (ADM) a donné lieu à des déclarations contradictoires de deux ministres français. Alors que la ministre de la défense, Michèle Alliot-Marie, déclarait, dimanche soir 20 décembre, sur LCI, que les autorités françaises étaient "parfaitement informées des négociations" entre Londres, Washington et Tripoli, le chef de la diplomatie, Dominique de Villepin assurait, lundi matin sur France-Inter que ces négociations étaient "secrètes" et que Paris n'en avait pas été informé.

"Il faut distinguer les choses. Il y a d'un côté une coopération extrêmement active et féconde entre la France, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis et de nombreux membres de la communauté internationale sur l'évaluation des menaces à la fois terroristes et de prolifération. Il faut distinguer cela de la négociation elle-même qui s'est nouée avec la Libye, où nous n'avons pas été informés", a ajouté le ministre.

Dans un entretien publié le même jour par Le Figaro, M. de Villepin considère d'ailleurs que la décision libyenne est un "succès pour les diplomaties américaine et britannique comme pour toute la communauté internationale" et la preuve "de la pertinence de la démarche politique". Comme il l'avait fait dès samedi, il rappelle par ailleurs que la France, en association avec le Royaume-Uni et l'Allemagne, avait fait une démarche similaire auprès de l'Iran qui avait abouti à l'acceptation par Téhéran de s'engager sur la voie de la non-prolifération et de signer le protocole additionnel au Traité de non-prolifération nucléaire (TNP). Ce qui est chose faite depuis le 19 décembre. Tripoli a annoncé, de son côté, lundi, qu'il était disposé à signer ce protocole.

M. de Villepin tire des affaires libyenne et iranienne deux enseignements : primo, une "approche internationale" se dessine, "cohérente et volontaire face au problème de la prolifération". En second lieu, il lui paraît "normal que ceux qui sont le mieux placés" pour exercer leur influence sur tel ou tel pays le fassent, "dès lors que leur action s'inscrit dans un cadre multilatéral incontestable".

Après la décision libyenne, plusieurs pays arabes ont réclamé qu'à son tour, Israël renonce à l'arme nucléaire. M. de Villepin s'est borné pour sa part à "souhaiter" que la démarche "exemplaire" de Tripoli puisse "s'étendre à d'autres" et que des solutions aux crises du Proche-Orient soient "conformes au principe de justice" et qu'elles évitent "les reproches de "deux poids deux mesures"".

Pour ce qui est des relations franco-libyennes, toujours ternies par l'affaire de l'attentat qui a visé, en septembre 1989, un DC-10 d'UTA, M. de Villepin demande à la Libye de respecter ses "engagements" et à la communauté internationale d'apporter son soutien à la France pour que les familles des victimes soient indemnisées. "Les discussions en cours -avec Tripoli- ont enregistré des progrès significatifs", précise-t-il.

Ces négociations sont conduites, du côté français, par le collectif des familles des victimes, en coordination avec l'association SOS-Attentats et, du côté libyen, par la Fondation Kadhafi, dirigée par l'un des fils du colonel Kadhafi, Seif Al-Islam. D'après Guillaume Denoix de Saint-Marc, porte-parole du collectif, les négociations, qui ont repris le 6 décembre à Paris, ont été "constructives". La veille, Seif Al-Islam Kadhafi l'avait joint par téléphone pour l'informer de l'arrivée imminente dans la capitale française d'une délégation libyenne. Cela coïncidait avec la réunion à Tunis du sommet euro-maghrébin dit "5+5".

Les discussions, du 6 au 11 décembre, ont permis d'avancer, assure M. de Saint-Marc dans des déclarations au Monde. "Le train a été remis sur les rails" et une nouvelle rencontre doit avoir lieu début janvier 2004, à une date qui n'a pas encore été fixée. Le contact téléphonique est néanmoins maintenu pour continuer à faire évoluer la négociation, étant entendu que l'objectif est de parvenir à un "règlement définitif" du contentieux, précise-t-il, échaudé, comme ceux qu'ils représentent, par les deux "accords de principe" déjà conclus, mais qui n'ont pu aboutir en raison de revirements libyens. M. de Saint-Marc préfère donc demeurer prudent.

Un premier "accord de principe" avait été conclu le 11 septembre, dont certains paramètres devaient encore été précisés. En conséquence, le collectif, ainsi que l'association SOS-Attentats, avaient affirmé, lors d'une déclaration solennelle au Quai d'Orsay en présence de M. de Villepin, qu'elles ne voyaient pas d'objection à ce que la France renonce à son projet de s'opposer à la levée des sanctions imposées en 1992 à Tripoli par le Conseil de sécurité de l'ONU. Ces sanctions visaient à obliger la Libye à coopérer dans les enquêtes sur l'affaire du DC-10 et celle dite de Lockerbie, du nom du village où s'était écrasé en décembre 1988 un Boeing de la Panam, cible lui aussi d'un attentat.

Une nouvelle série de négociations entre les parties libyenne et française a eu lieu en octobre à Tripoli. Les détails d'un nouvel "accord de principe" avaient été mis au point. Le document devait être signé fin novembre dans la capitale française, mais la délégation libyenne s'est rétractée.

Mouna Naïm

• ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 06.12.03

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