victimes attentat

(vendredi 9 janvier 2004, 18h40)

DC-10 d'UTA: les familles recevront 170 millions de dollars

Par Laure Bretton

PARIS (Reuters) - Plus de 14 ans après l'attentat, la fondation Kadhafi a signé à Paris un accord d'indemnisation avec les familles des 170 victimes du DC-10 d'UTA, un nouveau pas franchi par Tripoli dans la normalisation de ses relations avec les pays occidentaux.

Parallèlement à cet accord d'indemnisation, la France et la Libye ont signé dans l'après-midi un accord politique pour "renforcer et relancer" leurs relations bilatérales.

Deux ans de négociations ont permis d'aboutir à un accord d'indemnisation de 170 millions de dollars - un million par personne décédée dans l'attentat du 19 septembre 1989 au-dessus du désert du Ténéré, au Niger, imputé à six agents libyens.

Un quart de cette somme, environ 42 millions de dollars, sera versé immédiatement, avant trois autres paiements étalés sur six mois.

Cette indemnisation s'ajoute aux sommes déjà versées à plusieurs familles par le fonds de garantie des victimes d'attentats et au terme du procès en assises tenu à Paris en 1999.

"C'est une manière pour la Libye de montrer sa responsabilité alors que sur le plan du droit cette indemnisation n'était pas évidente", a expliqué à Reuters Me Francis Szpiner, avocat de l'organisation SOS-Attentats, qui a représenté les familles en justice.

L'accord ne comporte aucune contrepartie diplomatique, ont insisté les représentants des familles. Les proches des victimes qui choisiront d'accepter cet accord s'engagent cependant à "se désister de toute action en justice future".

Le cas d'une plainte déposée devant la Cour européenne des droits de l'homme contre le colonel Mouammar Kadhafi par la présidente de SOS-Attentats, Françoise Rudetzki, sera "réglé dans six mois", au terme des versements, a assuré Me Szpiner.

"Une fois que l'accord sera complet et rempli, la plainte n'aura plus lieu d'être", a-t-il souligné.

Prévue à 10h00 dans un cabinet d'avocats du VIIIe arrondissement de Paris, la cérémonie de signature a été retardée de plus d'une heure, les représentants des familles attendant l'authentification du chèque libyen et son versement.

L'accord, contenu dans cinq gros parapheurs noirs, a été signé simultanément par Guillaume Denoix de Saint Marc, pour le collectif des familles du DC-10 d'UTA, par Me Szpiner, par le directeur de la fondation Kadhafi, Saleh Abdoul Salam, par un représentant de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), Pierre Ducret, et par un notaire.


UNE NOUVELLE ETAPE POUR TRIPOLI

Dix-sept personnes représentant onze familles de victimes, pour certaines venues de province après avoir été prévenues dans la nuit de l'imminence d'un accord, ont assisté à la signature.

L'attentat contre le DC-10 d'UTA a fait 170 morts de 17 nationalités, dont 54 Français. Une fois le processus d'indemnisation terminé, un voyage pourrait être organisé au Niger, dans un an, pour permettre aux proches de "poursuivre leur travail de deuil", a-t-on ajouté de source proche des discussions.

Cette signature survient six mois après la promesse libyenne de verser 2,7 milliards de dollars aux familles des victimes de l'attentat de Lockerbie (Ecosse) contre un Boeing de la Panam, qui a fait 270 morts en décembre 1988.

"L'histoire de Lockerbie nous a fait prendre conscience qu'il y avait des morts plus importants que les nôtres", a déclaré Danielle Klein, dont le frère a été tué dans l'attentat contre le DC-10.

"Aujourd'hui, nous recevons quelque chose de digne. Ce n'est pas le jackpot mais nous ne sommes pas aux Etats-Unis", a-t-elle ajouté, précisant que le plus important à ses yeux était de "ne pas toucher" aux condamnations des six agents libyens, prononcées par contumace en 1999.

"La parité totale (avec Lockerbie) n'était pas le but recherché mais je vous assure que le montant n'est pas du tout ridicule", a insisté Guillaume Denoix de Saint Marc, interrogé sur la différence d'indemnisation. Compte tenu des frais d'avocats, des taxes fédérales et du taux d'imposition américain, les familles de Lockerbie toucheront selon lui entre 1,5 et 2 millions de dollars au final.

En visite officielle en France depuis jeudi, le ministre libyen des Affaires étrangères, Abderrahmane Chalgham, sera reçu dans l'après-midi par Dominique de Villepin au Quai d'Orsay, avant un entretien avec Jacques Chirac à l'Elysée.

Un accord politique devrait être conclu entre les deux pays, avait-on appris jeudi soir dans l'entourage du président du Sénat, Christian Poncelet, une sorte de "feuille de route pour relancer et renforcer" les relations bilatérales.

Jeudi, Jacques Chirac a souhaité que l'accord dans l'affaire UTA permette à la Libye "de s'insérer pleinement dans la dynamique de coopération entre les deux rives de la Méditerranée".

Fin décembre, Tripoli a annoncé l'abandon de son programme d'armes de destruction massive, à la suite de négociations secrètes avec les Etats-Unis et la Grande-Bretagne.

Selon le ministère libyen des Affaires étrangères, de nouvelles discussions tripartites sont prévues cette semaine à Londres.

Une étape supplémentaire avait été franchie jeudi, Israël se disant prêt au dialogue avec la Libye si Tripoli renonce au terrorisme et détruit son arsenal non conventionnel. Plusieurs rencontres secrètes israélo-libyennes auraient eu lieu fin décembre, ce que Tripoli a démenti.

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