victimes attentat

(Jeudi 25 mars 2004)

Blair sous la tente de Kadhafi

Edito international du 25/03/2004

Londres et Washington ont tout intérêt à pousser sous les projecteurs le bon exemple libyen: l'arsenal du colonel Kadhafi sera probablement le seul stock d'armes de destruction massive que l'offensive contre l'Irak aura contribué à démanteler. Avec l'accord, pour ne pas dire sous la conduite des autorités locales, qui ont fourni à la demande documents et matériel. Au point qu'une petite exposition, ouverte à la presse et déplorée par Tripoli comme une humiliation gratuite, leur a été consacrée à Oak Bridge, dans le Tennessee. On s'applique dans l'entourage du colonel Kadhafi à déconnecter les deux démarches, la guerre contre Saddam Hussein et le déploiement de bonne volonté libyen. Le début de réchauffement d'une relation longtemps glaciale était en effet antérieur aux bombardements sur Bagdad. Mais il n'est pas interdit de penser que la démonstration de force opérée par les Américains dans le Golfe a aidé le bouillant colonel à venir à résipiscence, tout comme leur raid sur Tripoli avait déjà, en 1986, considérablement assagi l'alors fort belliqueux guide de la révolution libyenne. Ce qui n'allait pas, il est vrai, l'empêcher d'organiser ou de commanditer les attentats de Lockerbie en 1988 et du DC 10 d'UTA l'année suivante.

Mais, profondément militaire et plus prévisible que ne l'ont longtemps cru ses adversaires, lesquels avaient été déroutés par quelques mises en scène où la tradition des combattants du désert avait sa part, le colonel Kadhafi ne s'est pas éternisé dans une fausse appréciation des rapports de force. Il y a été puissamment aidé par des déceptions en cascade: il n'est pas parvenu à s'imposer comme leader d'un monde arabe qui n'était pas très éloigné de le juger aussi infréquentable que l'Occident, en tout cas bien compromettant; ses tentatives pour se positionner en chef de file et défenseur de l'Afrique n'ont guère eu plus de succès; et les embargos qui ont frappé la Jamahiriya, dont le pétrole représente la quasi-intégralité des ressources en devises, commençaient à poser de sérieux problèmes.

Mais aux Américains et aux Britanniques aussi. Une fois soldés les comptes des attentats (et il ne s'agissait pas seulement d'argent pour les victimes, mais aussi d'un aveu international de culpabilité peu banal), il restait à normaliser peu à peu des relations commerciales et politiques au long blocage desquelles tout le monde, en fait, avait à perdre. Tripoli ayant abjuré sa foi en l'action terroriste, tout redevient possible au grand jour. On le voit en ce moment même avec le retour vers l'or noir libyen des compagnies américaines et de la Shell. Et la visite du Premier ministre britannique sous la tente du colonel, précédée de celle du secrétaire d'Etat adjoint américain, concourt encore un peu plus à tourner la page. Malgré l'espèce de malaise que laisse ce qui peut apparaître comme l'empressement de Tony Blair à accomplir en personne un tel geste de realpolitik.

Michèle Gayral
Article publié le 25/03/2004

photo RFI

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