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(lundi 6 décembre 2004, 13h03)

La Bulgarie refuse de payer pour ses infirmières condamnées en Libye


SOFIA (AFP) - La Bulgarie a catégoriquement refusé lundi de verser des indemnités à la Libye pour obtenir la libération de cinq infirmières bulgares condamnées à mort début mai à Benghazi (nord de la Libye) pour avoir infecté avec le sida quelque 380 enfants libyens.

"Nous excluons de payer des indemnités pour acheter la liberté de nos infirmières", a déclaré la vice-ministre des Affaires étrangères, Guergana Grantcharova. "Cela reviendrait à reconnaître leur culpabilité alors que nous sommes convaincus qu'elles sont innocentes", a-t-elle ajouté.

Le ministre libyen des Affaires étrangères, Abdel Rahmane Chalgham, avait estimé dimanche que pour obtenir le ré-examen du dossier, la Bulgarie serait avisée d'"indemniser les familles des victimes et de faire soigner les malades en coopération avec l'Union européenne" (UE). Moins diplomatique, le président de la commission de la Santé au parlement, Atanas Chterev, a qualifié cette proposition de "chantage". "Le monde entier sait qu'il s'agit d'un procès politique mal ficelé", a-t-il ajouté. "Seul le régime totalitaire de Mouammar Kadhafi continue à mentir pour éviter d'assumer ses responsabilités".

Un avocat des infirmières, Me Hari Haralampiev, a pour sa part estimé qu'il s'agissait d'une "démarche politique". "L'accepter serait reconnaître la culpabilité (des condamnées). Une justice impartiale doit les acquitter", a-t-il estimé. La mère de l'une des infirmières, Zorka Anatchkova, a également rejeté la proposition de Tripoli. "Kadhafi et Chalgham savent très bien que les Bulgares sont innocentes", a-t-elle affirmé lors d'une manifestation de solidarité tenue à Varna (est) au cours de laquelle 50 pigeons blancs ont été lâchés devant l'église locale. Selon Mme Grantcharova "la Bulgarie est disposée à participer à un dialogue qui prenne en compte à la fois la tragédie des enfants libyens contaminés et l'absence totale de preuves" contre les infirmières. "Dans ce dialogue, le rôle de coordinateur revient à l'UE", a-t-elle estimé.

En décidant en octobre de lever l'embargo sur les livraisons d'armes à la Libye, les ministres européens des Affaires étrangères avaient "pressé" Tripoli de résoudre au plus vite cette affaire. Début mai, un tribunal de Benghazi avait condamné à mort les cinq infirmières et un médecin palestinien au terme de cinq années de détention préventive. Les six prévenus avaient été reconnus coupables d'avoir infecté du virus du sida 380 enfants et d'avoir causé la mort de 46 autres alors qu'ils exerçaient dans un hôpital pédiatrique de la ville.

La Bulgarie a fait appel de ce jugement et a lancé une campagne tous azimuts pour obtenir la libération de ses ressortissantes. Sofia se réfère notamment aux témoignages du professeur français Luc Montagnier, co-découvreur du virus de sida, et du professeur italien Vittorio Colizzi selon lesquels la mauvaise hygiène à l'hôpital était à l'origine du drame. En novembre, le journal Novinar avait saisi le parquet bulgare en arguant que les condamnés avait subi des sévices corporels, qu'ils avaient été battus et torturés à l'électricité.

Lors du procès, deux des infirmières et le médecin palestinien, qui avaient reconnu les faits devant la police, avaient déclaré que leurs dépositions leur avaient été extorquées par la torture. La justice libyenne avait examiné ces accusations et avait par la suite acquitté les policiers ayant participé aux interrogatoires.

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